Jour 2.2

Grosse panique aujourd’hui. Après avoir peaufiné pendant des mois nos déguisements d’Halloween, le doute soudain surgit : pourra-t-on sonner de porte en porte sans risquer au mieux un “Bußgeld” de 500 euros et au pire une contamination ? 

Mark, mon époux fondamentalement anti-Halloween (qu’il trouve trop marketing, pour ne pas dire trop américaine comme fête) tente de nous dissuader avant de retourner surfer sur internet en vue du prochain Black Friday. 

Mais Max est trop mignon dans son costume de Covid -19, même s’il ressemble davantage à un cactus qu’à un virus. Pour ne pas le décevoir, je lui propose de faire juste un petit tour. Juju nous accompagne et file, au préalable, asperger de ketchup son masque FPP à 15 euros. Et me voilà donc lancée avec mon petit SARS et ma tuberculeuse dans ce porte à porte crépusculaire et annuel. 

Max, en fin limier, commence par sonner chez les voisins d’en-face. Vu qu’ils sont décédés depuis quelques semaines, il y a peu de change qu’ils ouvrent. Et si c’est le cas, c’est plutôt eux qui nous feront peur. Pas de réponse. Ouf. 

Juju passe à la maison voisine, chez Kevin (dont les lecteurs du premier journal se souviennent peut-être), mais il a déjà avalé tous les paquets de bonbons préparés par sa mère. 

A la troisième maison, nous quittons la zone de confort. Un homme nous crie à travers la porte « Hau ab! » (que l’on pourrait traduire par « Je vous prie de bien vouloir passer votre chemin, s’il vous plait », la langue de Goethe est efficace).

A la quatrième maison, le paquet de bonbons est accroché au portail pour éviter le contact. Sauf que tous les passants l’ont tripoté pour voir et je recommande donc aux enfants de le laisser. 

A la cinquième maison, je préfère que nous passions notre chemin au vu des slogans complotistes QAnon affichés aux fenêtres (NDLR – si vous n’avez jamais entendu parler de Q ou QAnon, alors vite renseignez vous; j’ai d’abord cru que ce gropuscule était aussi réel que Marie Schmidt-Martin, car au moins aussi absurde. Mais non, eux, ils existent vraiment et ils sont très présents en Allemagne…).

A la sixième maison, nous décidons de retourner à la notre, bredouilles. 

“La fête d’Halloween, c’est quand même moins bien quand tout le monde a déjà peur… “ me lance Max, un peu déçu. Heureusement, Mark a quand même préparé quelques friandises pour les enfants et se laisse “effrayer” par leur “trick or treat”. Connaissant son aversion pour Halloween, je perçois l’effort et l’abnégation qu’il lui a fallu pour cette initiative, qui sauve la soirée de Max et Juju. Et la mienne car ça me rassure de penser que finalement, l’amour sera toujours plus fort que l’intolérance.  (Etienne Roda Gilles sort de mon corps…)

En rentrant, je découvre aussi dans ma messagerie un email du proviseur qui me rappelle que c’est déjà la fin des vacances. Il évoque la situation sécuritaire de l’établissement, l’autre menace, encore moins visible qu’un virus puisqu’elle n’est pas même nommée. Il en appelle à une vigilance accrue et je me demande comment faire, vu que j’étais déjà presqu’à mon maximum. “Il est particulièrement important d’informer la direction du lycée de toutes situations suspectes ou de réactions inappropriées que vous pourriez observer ou qui vous seraient rapportées.” Je pense immédiatement à mon amie Sabine. C’est sûr, j’aurai de quoi contacter l’école tous les jours à son sujet. J’enregistre le numéro de téléphone du secrétariat de l’école sur mon téléphone. 

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